Ma vie n'est pas des plus fascinantes : mariée, maman, avec un job plutôt intéressant.
Du grand classique !
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.... Bonne lecture !


mercredi 12 décembre 2012

Le cantonnier




Lorsque j'étais enfant, il y avait dans mon village un cantonnier.
Je le croisais régulièrement, il faisait parti du paysage. Toujours accompagné de son vélo, il se promenait dans les rues, à la recherche d'une feuille à balayer. Je me souviens qu'il portait toujours les mêmes vêtements : un pantalon bleu, une veste beige usée, et sa vieille casquette de "gavroche". Son visage me faisait penser au personnage de dessin animé Popeye. Mais en lieu et place d'une pipe, une cigarette était souvent suspendue à ses lèvres. Son activité  favorite semblait être la flânerie. Adossé à son vélo, je l'ai plus souvent vu regarder les passants, que nettoyer nos rues. Ce cantonnier, celui que j'ai dans ma mémoire, aurait pu sortir tout droit des poèmes de Jacques Prévert...

À l'adolescence, ses flâneries m'ont dérangée. La jeune fille que j'étais craignait ce cantonnier qui regardait perversement les demoiselles passer. Le charme des vers de Jacques Prévert avait disparu. Je voyais en cet homme de la perversité. Son regard me mettait mal à l'aise, et sa bouche tordue à la Popeye laissait entrevoir une langue qui en disait long sur ces intentions. Il subissait les nombreuses moqueries des autres adolescents de mon village, mais ces railleries semblaient glisser sur lui comme l'eau coule le long d'un mur. Ses pensées gambergeaient au-delà de tout ça...

Dernièrement je suis repassée par ce village où j'ai grandi. Au détour d'une rue, la silhouette de ce cantonnier s'est dessinée devant moi. Son vélo n'était plus, il avait laissé sa place à une canne. Sa tête était toujours surmontée de cette même casquette qui n'avait pas pris une ride. Mais qu'elle ne fut pas ma tristesse en apercevant ce visage déjà déformé, boursouflé par l'alcool qu'il devait consommer en grande quantité. Ce visage vieilli et usé par les années qui se sont écoulées. Sa démarche chevrotante et incertaine accentuait sa détresse. Mon cantonnier avait vieilli, mal vieilli. Bientôt il ne arpentera plus ces rues qu'il a si bien connues. Bientôt il disparaîtra de ce paysage, sans manquer certainement à personne.

J'ai été attristée par cette image. Elle me renvoie à ce que nous sommes et au temps qui passe. J'ai grandi. Il a vieilli. Je ne le vois plus comme le pervers qui m'effrayait. Non.
Je suis triste et nostalgique de cette enfance innocente qui nous échappe au fil des années.
Je regarde mon petit bout qui grandit, si vite, toujours trop vite, et qui me ramène à mon enfance, à mes souvenirs. J'aimerais tant lui préserver le plus longtemps possible son innocence. La vie passe trop rapidement. Il faut profiter de chaque instant avant qu'il ne soit trop tard.
La vue de mon cantonnier me l'a rappelé :
CARPE DIEM !




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